La posture du médiateur numérique
Le vendredi 26 avril 2019, nous avons organisé un atelier au sein du labo 151 de la Condition publique de Roubaix. Au programme de cet atelier, le rôle du Médiateur Numérique et son domaine d’intervention.
Avant de vous présenter l’atelier, revenons sur une courte description de ce curieux protagoniste, le médiateur numérique
Qui est donc le médiateur? Bien que la médiation numérique soit une véritable branche des métiers du numérique, de nombreux médiateurs n’ont pas suivi de formations liées à ce métier. Animateurs, travailleurs sociaux et autres simplificateurs sont susceptibles de le devenir.
Aujourd’hui il existe un fossé entre ce qui demandé par les usagers et ce qui peut être apporté par les médiateurs. À l’heure de la dématérialisation, un français sur cinq n’est pas à l’aise avec le numérique.
Formateur, accompagnateur, le médiateur a un rôle essentiel et agit comme un simplificateur des démarches. Toute personne peut être amenée à solliciter son aide et il aujourd’hui un acteur social de premier plan avec un véritable enjeu politique. Nous sommes tous susceptible d’avoir recours à son expertise pour nous accompagner par exemple dans nos démarches administratives ou pour nous familiariser avec les nouveaux techniques. Mais plusieurs questions se posent alors. Quel est son champ d’action? Quelles sont les limites qu’il doit se fixer ? Quel est son objectif et quel bénéfice tire-t-il de son action ?
Après avoir réfléchi à ce qu’est le médiateur numérique avec nos participants, nous avons continué notre atelier autour d’un débat mouvant sur la posture du médiateur numérique. Un moment de partage très enrichissant autour d’affirmations clivantes, qui ont généré échange et dialogue entre tous les participants.
Le principe du débat mouvant est simple: nous plaçons les participants au centre, leur proposons un énoncé clivant puis ils se positionnent physiquement d’un côté ou de l’autre de la ligne fictive, au centre de la salle. Ils argumentent ensuite en défendant leurs propos, et s’ils changent d’avis, rejoignent leurs opposants. L’idée et de pouvoir embrasser les multiples facette d’un sujet complexe afin d’en approfondir notre connaissance. Nous avons essayé de retranscrire l’essentiel des échanges de cet atelier.
« Le médiateur numérique doit permettre l’acculturation et l’appropriation du numérique »
Le médiateur remplit le rôle de facilitateur, soit celui qui permet d’apprendre à apprendre.
Il a une vision générale des outils, des pratiques et de la culture.
Il se doit d’être le référent des autres acteurs, un rôle pivot entre les institutions qui aident à mettre en contact les publics avec les professionnels adéquats. Pour des actions urgentes et immédiates liées à des démarches administratives par exemple, il doit pouvoir renvoyer le public vers le bon interlocuteur selon le diagnostic qu’il a préalablement établi.
Il se défini par l’appropriation et l’acculturation et sa posture et son rôle évolue. Il est aussi important de différencier les publics « autonomisable » des publics non « autonomisable ». Les uns vont avoir l’envie et la capacité de se prendre en main une fois les premières difficultés dépassés, les second reviendront de façon récurrente sans pour autant devenir autonomes.
« Le médiateur numérique doit avoir accès à toutes vos informations »
Pour être le plus efficace possible, il est important de souligner que le médiateur peut en effet vous demander de lui fournir un maximum d’informations sur le problème rencontré. Cependant, il est important de rappeler que la médiation numérique ne dispose pas de nomenclature définie et claire du métier ni de fiche métier par ailleurs. Il est d’autant plus important de faire attention à qui nous transmettons nos informations et à la sensibilité de celle-ci. Les médiateurs numériques sont des professionnels dotés d’un code moral important mais cela n’empêche pas de rester prudent quant à la sensibilité des informations transmises.
“Le médiateur numérique est une personne physique”
Humain ou machine, il peut être les deux. Il existe aujourd’hui de nombreux outils permettant la médiation numérique, comme par exemple le cas des “ChatBot” sur les sites web qui sont des robots programmés pour vous accompagner sur le site.
Il est important de souligner que le plus important reste l’efficacité de son action et qu’aujourd’hui les outils permettent une meilleure automatisation du processus. Cependant le rôle de l’accompagnateur physique semble d’autant plus essentiel qu’il est au coeur du lien entre personnes. En effet, si les machines font preuve d’une efficacité et d’une rapidité appréciables, elles ne sont pas dotées d’empathie, un élément indispensable à la médiation numérique. Par ailleurs un robot ou un bot mal configuré peut être contreproductif et mal renseigner les usagers.
“Le vidéo ludique ne fait pas partie de la médiation numérique”
Pour de nombreuses raisons, le jeu vidéo est un support et un outil éducatif inter-générationnel qui permet de rassembler. Il est aujourd’hui un véritable exemple de mixité et de rassemblement sociale entre les cultures et les générations. Symbole de sa génération, il a permis à des millions d’individus de se familiariser avec les outils numérique et a permis l’émergence de métiers qui aujourd’hui ont un impact global dans nos sociétés.
Cependant, le jeu vidéo fait aujourd’hui office de mauvais élève de la médiation de par l’image qu’il peut renvoyer à une certaine partie de notre société. Violent, sanglant, il déconnecte de la réalité et isole; tant de cliché qu’il est important de déconstruire ensemble.
Beaucoup de ses détracteurs ne souhaitent pas aujourd’hui le reconnaître comme un art à part entière. Il semble toutefois être une toile qui permet à son créateur de donner libre court à son imagination et permet de mêler des visuels spectaculaires, une composition entêtante et une histoire innovante ou adaptée de romans à succès. Il est par ailleurs adapté et indiqué pour certains publics et permet une médiation nouvelle voire innovante.
Enfin le vidéoludique élude un sujet plus large, la confusion entre capacité à consommer des contenus numériques et capacités à en produire. Nous avons souligné l’écueil généralisé d’une confusion entre la capacité à jouer, aller sur les réseaux sociaux ou regarder des vidéos sur les sites internets et la capacité à utiliser les outils numérique pour créer, écrire ou programmer. Cela se vérifie notamment sur les publics plus jeunes, qui sont malgré tout confrontés, comme leurs ainés, à des difficultés face au numérique.
“N’importe qui peut devenir médiateur numérique”
Il est important de rappeler que le médiateur numérique est souvent un professionnel qui a suivi une formation dédiée au cours de son cursus de formation universitaire ou professionnelle. Il faut différencier le rôle d’un aidant numérique et celui d’un médiateur numérique. La seule volonté de vouloir aider son prochain ne suffit pas pour se faire appeler médiateur numérique. Toutefois un certain nombre de médiateur professionnels sont issus de formations différentes de celle de la médiation, et n’ont pas forcément suivi de formation liée au numérique. Une distinction s’opère ici sur le métier et la fonction. Les échanges furent assez divergents à ce propos, car si la médiation numérique est bien qualifiée de métier, elle ne dispose cependant pas d’une référencement à l’heure actuelle. A l’inverse de nombreux profils professionnels, animateurs, professionnels en lien avec du publics ou aidants se retrouvent dans les baskets du médiateur numérique malgré eux. Ce qui lui vaut sa réputation de “couteau Suisse”, une fonction polyvalente mais souvent débordée.
L’aidant numérique
La dernière partie de notre atelier a consisté à proposer un cadre d’action de l’aidant numérique. Ce dernier, qui se distingue du médiateur numérique par le nombre de ses tâches et le champs de son action, n’en reste pas moins l’acteur en devenir, incontournable dans les volontés de dématérialisation prévues en France pour 2022.
Les distinctions entre l’aidant et le médiateur se retrouvent la mission, les publics ainsi que la structure dans laquelle chacun opère. Enfin, le temps dédié ainsi que le type d’échange (interpersonnel pour l’aidant, souvent en groupe pour le médiateur) distinguent également les deux acteurs.